Le Bon Roi.
Pour
tous il était un héro. Le bon roi. Celui qui avait réussis à
rendre sa dignité à son peuple et à ramener la paix dans son
royaume. Il n'y avait plus de guerre et les envahisseurs semblaient
ne plus s'intéresser à son bout de terre. Du moins, c'était ce que
son peuple pensait. Il leur avait offert ce que nul autre roi
auparavant n'avait pu réussir : la sécurité. C'était peu
dire à quel point tout cela n'était qu'une utopie, un rêve bien
vendu pour que les plus petits puissent dormir sur leur deux oreilles
et que les plus grands se tournent vers l'avenir. C'était un
mensonge élaboré pour apaiser le peuple et lui permettre de
s'épanouir. Un lourd fardeau qui reposait ainsi sur les épaules du
souverain.
Il
était las et éreinté par les années passées à secrètement
s'assurer que les frontières de son royaume étaient protégées.
Entre les négociations sans fin, les menaces proférées par
d'autres souverains à son encontre et les tentatives d'invasions qui
se répétaient sans cesse, le bon roi n'en pouvait plus. Il avait du
mal à tenir le fragile royaume sur ses deux épaules. Il avait en
tête de protéger l'intérêt des siens, y compris de ceux qui
étaient dans la confidence. Son armée le suivait aveuglement car il
avait fait ses preuves sur le champs de bataille et s'était illustré
comme un stratège au grand cœur, qui tenait au bien être de ses
soldats. Chacun était prêt à mourir pour lui mais même cette
dévotion avait fini par le tourmenter. Il ne voulait pas de martyrs
déterminés à mourir pour sa cause. Il voulait des hommes sains et
en bonne santé, à même de pouvoir protéger leur royaume et
surtout, vivants.
Sa
compagne entra dans la salle du trône dans laquelle il s'était
réfugié très tôt dans la journée. Seul et livré à lui même,
le bon roi pouvait se laisser aller. Ses épaules étaient relâchées,
ses traits étaient comme figés dans cette perpétuelle expression
d'inquiétude qui ne le quittait désormais plus. Il avait l'air
grave mais cela n'étonna pas sa femme la Reine Mère, qui, drapée
d'une simple tunique orange et d'un élégant foulard se rapprocha
de lui, lentement.
« Mon
aimé, vous avez encore l'air préoccupé. »
« Pourquoi
ne le serais-je pas ? Je regarde ce que j'ai bâti à la force
du poignet et je me demande tous les jours combien de temps il me
reste avant que tout n'éclate en morceau. »
« Le
peuple a confiance en vous ! » Elle essaya de le rassurer,
d'une voix ferme. Il laissa son regard se distraire dans le
balancement de ses hanches généreuses mais ferma les yeux un
instant.
« Justement !
C'est cela le problème. Ils baignent dans l'ignorance depuis bien
trop longtemps. Comment puis-je affronter leur regards reconnaissant
d'une situation qui n'existe pas ? Nous ne sommes pas en paix,
nous ne le serons jamais car dehors.. DEHORS nous avons des ennemis
qui guettent le moment propice avant de se jeter sur nous. » Il
répondit d'une voix rauque et tonitruante. Elle avait l'habitude de
ses accès de colère car elle comprenait qu'ils venaient de sa
frustration et de sa peur de perdre les siens.
« Alors
il faudra rétablir la vérité, si c'est cela qui vous fait peur mon
cher. » La Reine Mère haussa un sourcil, parlant d'une voix
égale mais imposante afin qu'il porte son attention sur son visage.
« Je
n'ai pas peur de la vérité ! Je ne suis pas sûre qu'ils
seront prêts à l'entendre. » Il posa son regard sur celle qui
partageait sa vie depuis bientôt cinq longues années. Ils se sont
rencontrés sur le champs de bataille et depuis lors, elle n'a eu de
cesse de l'épauler dans la dure tâche de souverain. Toujours elle
était à son écoute, toujours elle savait quoi dire pour lui
redonner la motivation dont il avait besoin pour continuer.
« Ayez
un peu foi en votre peuple ! Pensez-vous vraiment qu'ils ne
seront pas prêts à reprendre les armes ? Vous souvenez-vous de
quand nous avions pris le pouvoir ? Le royaume n'était que
ruine et destruction. Chacun se faisait la guerre, il n'y avait pas
d'unité... » Elle glissa ses doigts le long de la nuque de son
époux, raidie par l'inquiétude « Vous êtes arrivé et avez
inspiré l'espoir à votre peuple. Cet espoir a guidé la main des
révolutionnaires.. Notre main. Nous avons repris le pays en main et
tout naturellement vous avez pris le pouvoir. Chacun d'entre nous
sait se battre, chacun serait prêt à donner sa vie pour maintenir
ce que nous avons accomplis tous ensemble. » Elle décida de
s'asseoir sur les genoux du roi et enlaça tendrement son cou.
« Je
ne sais pas... » Il secoua la tête, à moitié convaincu par
les paroles de sa femme qui n'abandonna pas pour autant. Elle
esquissa un petit sourire qui intrigua le souverain. « Pourquoi
riez vous ? »
« Je
vous trouve..... Je vous trouve adorable, comme le serait un enfant.
Vous avez tellement peur de perdre ce que vous avez bâti que vous
vous enfermez dans l'inertie. » Ses mots piquèrent tels une
abeille et le roi fût saisi d'une grande colère, qu'il laissa
éclater.
« Qui
traitez-vous d'enfant ?? Vous savez que ces mains ont tué bon
nombre d'hommes !!! »
« Les
miennes aussi ! Vous ne m’impressionnez pas ! »
Rétorqua t-elle en grimaçant.
« Que
dois-je donc faire pour que vous cessiez de m'importuner ? »
Grogna t-il.
« M'écouter
sans m'interrompre. Je vous laisserai tranquille si mes mots ne vous
atteignent pas, votre Grâce. » Elle était déterminée et il
savait bien qu'elle ne le laisserait tranquille que lorsqu'elle
aurait atteint son objectif. Le bon roi hocha donc la tête, lui
donnant son accord. « Enfin une décision censée ! Je
peux comprendre vos hésitations. Vous pensez qu'après autant
d'années de paix relative, le peuple ne serait pas prêt à
replonger dans le chaos. C'est là que vous vous trompez ! Être
un roi ce n'est pas porter sur ses épaules tout le poids du monde.
Vous le faites constamment au risque de vous briser le dos, mon
amour. Je vous aime et je vous respecte et c'est pour cela que je
vais vous dire ce qui va suivre. Vous êtes plein d'illusions si vous
pensez que cela est votre fardeau. Vous commettez une erreur qui vous
enterrera plus vite que le dernier homme qui a péri sous vos mains.
Un bon roi est un roi qui inspire. Un bon roi est un roi qui se
tourne vers l'avenir et qui tient à cœur le progrès de sa nation.
Un bon roi est un roi tel que vous ! En reprenant le pouvoir
vous avez apporté ce que nul autre avait fait auparavant :
l'espoir. Cet espoir a bâti cette nation, l'a tourné vers l'avenir.
Cet espoir nous a fait grandir et nous a donné envie de protéger ce
que nous avions gagné. Vos hommes vous admirent et vous respectent
parce que vous êtes comme eux. Nous sommes comme eux. Des gens du
peuple qui ne veulent que le bien commun. Vous vouliez protéger
cette paix que nous avions et vous avez pris vos décisions. Nous le
savons tous mais vous semblez l'ignorer délibérément. Ayez
confiance en votre peuple, mon aimé ! Ayez confiance en nous !
Les ennemis que nous avons ne réussiront pas à détruire ce que
nous possédons. Alors cessez de suite d'avoir cette mine renfrognée
et partagez le poids du monde avec les vôtres ! »
il
la regarda pendant quelques instants, incapable de savoir comme
réagir face à ses déclarations. Elle avait raison depuis le début,
comme d'habitude. Ce n'était d'ailleurs pas le fait qu'elle ait
raison qui choqua le souverain, non ! C'était la passion avec
laquelle elle s'exprimait, le désir de se battre qui transpirait
dans chacun de ses mots qui avaient encouragé le roi à retrouver la
foi. Lui qui était d'une humeur sombre depuis le matin, avait finit
par radoucir ses traits et à prendre son épouse par la taille.
Ravie, elle lui vola un baiser avant de tenter de se défaire de son
étreinte. Se rendant compte qu'il ne la lâchait toujours pas, elle
finit par abandonner et à rire tout doucement.
« Je
me demande ce que je ferai sans vous à mes côtés. » lui
dit-t-il d'une voix solennelle.
« Vous
nous conduiriez à la ruine ! » Lui répondit t-elle du
tac-au-tac sans battre des cils. Il haussa un sourcil mais finit par
rire à son tour. C'était un rire qui venait des tripes, un rire
plein de soulagement, un rire plein de promesses.
No comments:
Post a Comment